C’est désormais une chose acquise : le djihadiste Oumar Ould Hamaha, dit «le barbu rouge» ou «Hakka» (pour son goût prononcé à manier le fusil AK 47 kalachnikov) est un acteur hyper médiatique dans la crise du Nord-Mali. Après ses menaces réitérées contre la France, faut-il le prendre au sérieux?
Après avoir fait irruption sur le devant de la scène lors de la prise de Tombouctou le 1er avril, où on le voyait haranguer la foule à l’arrière d’un pick-up, puis dans la bataille de Gao fin juin, le très médiatique chef d’Etat-major du Mujao (Mouvement pour l’Unicité du Jihad en Afrique de l’Ouest) a refait parler de lui le 23 octobre, dans une interview exclusive donnée au magazine français l’Express.

Oumar Ould Hamaha le "barbu rouge". Capture d'une vidéo AFP après la prise de Tombouctou le 1er avril 2012.
Une interview menaçante
Dans cette interview, il réitère les récentes menaces qu’il avait proférées contre François Hollande à l’occasion de la tournée africaine de ce dernier.
«Nous avons le pouvoir de déstabiliser le quai d’Orsay et de nous débarrasser de François Hollande ou des personnes qui lui sont les plus proches: nous y travaillons chaque jour. Nous disposons d’éléments partout dans le monde, mobilisés dans cette traque» a ainsi expliqué celui qui se teint la barbe en rouge, comme le faisait le prophète .
Au sujet des 6 otages français retenus au Sahel, il affirme qu’ «ils sont vivants, mais jusque quand? Les jours à venir vont tout dévoiler».
Sans faire de détour, Oumar Ould Hamaha explique donc qu’une véritable « traque » s’est mise en place à l’encontre du président français, et menace ouvertement ses proches. Idem pour les otages : si Hollande s’obstine à vouloir soutenir une intervention au Mali, ceux-ci risqueront gros.
François Hollande doit-il prendre au sérieux les menaces du djihadiste ?
Loin d’être un exemple de sincérité et d’objectivité, Oumar Ould Hamaha semble avoir gagné son statut de porte-parole et de chef de sécurité du Mujao (autoproclamé selon l’Express), grâce à sa gouaille, son charisme et sa radicalité. Cet excellent orateur, qui maîtrise plusieurs langues, assume la violence de ses propos, qui masquent bien souvent quelques mensonges allègrement dissimulés.
Au sujet de sa propre vie et de ses proches, il apparaît évident que François Hollande n’a pas le moindre souci à se faire, et que les menaces proférées à son encontre ressemblent plus à un cri de désespoir qu’à une sérieuse tentative d’intimidation.
En ce qui concerne les otages français, la situation est un peu plus complexe, mais dissimule toutefois une réalité qui dérange quelque peu leurs ravisseurs : ils sont la seule monnaie d’échange que ces derniers peuvent faire valoir pour discuter avec la France.
Autrement dit, si Aqmi ou le Mujao se mettait en tête de les tuer, comme ils menacent de le faire très prochainement, aucune discussion ni négociation ne serait plus possible entre les puissances occidentales et les factions djihadistes.
Il est plus logique de penser dès lors qu’en ce moment plus que jamais, les membres du Mujao et d’Aqmi doivent faire attention à la vie des otages français.
Dans un second article intitulé les coulisses de l’interview d’Oumar Ould Hamaha, L’Express montre ainsi à quel point le djihadiste sait composer avec la réalité des faits pour diffuser une propagande souvent très loin des observations effectuées sur le terrain.
Ainsi, lorsqu’il affirme ainsi que l’intégration des groupes armés dans les territoires du nord se passe bien, l’hebdomadaire français décrypte : «Non, « l’intégration » des groupes armés dans les villes du Nord ne se passe pas « bien »: les djihadistes sèment la terreur, pillent, violent, tuent ou infligent des châtiments corporels terrifiants -flagellation, amputation, lapidation- à tous ceux qui ne se soumettent pas à leur vision archaïque de l’islam».
Par Ambroise Védrines
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