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Guerre au Mali: chronique d’une communication française bien rodée

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«Si personne n’intervenait, c’est Bamako qui tombait deux ou trois jours après». On savait l’armée malienne en position de faiblesse sur le conflit qui l’oppose à des groupes islamistes depuis plusieurs mois, mais cette déclaration choc de Jean Yves Le Drian ministre de la défense français lors du Grand Rendez Vous Europe 1/Le Parisien/ I>télé a le mérite de surprendre.

Dans le contexte qui prévaut depuis le mois d’avril et la séparation du pays en deux, on imaginait mal al-Qaida au Maghreb Islamique et ses alliés s’emparer du Sud du pays.

Il y avait certes « une accélération spectaculaire de l’action de ces groupes depuis jeudi et (…) la nécessité d’agir de manière rapide » selon les mots du ministre, mais pas de quoi croire en une escalade, aussi foudroyante soit elle, qui aurait fait chuter Bamako aussi rapidement.

L’objectif de ce groupement d’islamistes radicaux (Aqmi/Mujao/Ansar Dine) était Sévaré. Cette ville charnière située sur la ligne de démarcation entre le Nord contrôlé par les mouvements rebelles et le Sud sous contrôle étatique a une importance stratégique majeure. L’armée régulière y dispose d’un poste de commandement opérationnel et la perte de son aéroport aurait compliqué une éventuelle opération de reconquête du septentrion malien.

L’annonce de Jean Yves Le Drian trois jours après le début de l’intervention française dans le pays avait donc pour but de légitimer celle-ci. Le ministre de la défense déclarait pour renforcer ces propos que la vie des otages français retenus au Mali aurait été «encore plus» en danger si cette opération n’avait pas été déclenchée. Selon lui l’espoir d’une libération réside dans «la capacité d’intimidation que peut représenter la France» alors que les familles font état de leur angoisse après l’échec de l’intervention pour libérer Denis Allex en Somalie.

L’entourage du chef de l’état n’est pas en reste. Celui-ci précise qu’ «à l’origine, on pouvait penser qu’il s’agissait (les islamistes) de quelques soudards à bord de Toyota avec quelques armes, ils se révèlent en réalité bien équipés, bien armés et bien entraînés», notant que les groupes islamistes «ont récupéré en Libye un matériel moderne sophistiqué, beaucoup plus robuste et efficace que ce qu’on pouvait imaginer».

Cela fait pourtant des mois que cet état de fait est dénoncé dans les spécialistes et les observateurs du Mali.

Une guerre antiterroriste?

La «traque des terroristes» est un autre effet de langage largement utilisé par le gouvernement français depuis quatre jours. François Hollande lors de ces vœux au corps diplomatique, de son allocution sur le Mali et en marge du conseil de défense en a fait son argument principal.

«Les terroristes se sont regroupés ces derniers jours sur la ligne qui sépare – artificiellement – le Nord et le Sud du Mali. Ils ont même avancé et cherchent à porter un coup fatal à l’existence même du Mali. La France – comme ses partenaires africains et l’ensemble de la communauté internationale – ne pourra pas l’accepter et je le dis ici avec la solennité nécessaire.»

«Les terroristes doivent savoir que la France sera toujours là lorsqu’il s’agit non pas de ses intérêts fondamentaux mais des droits d’une population, celle du Mali, qui veut vivre libre et dans la démocratie.»

«La France dans cette opération ne poursuit aucun intérêt particulier autre que la sauvegarde d’un pays ami et n’a pas d’autre but que la lutte contre le terrorisme».

Comme pour se prémunir d’éventuelles critiques, ce dernier a déclaré, à l’issue du conseil de défense restreint qui s’est tenu à l’Elysée le 12 janvier, que l’intervention militaire française au Mali consistait «à préparer le déploiement d’une force d’intervention africaine pour permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale.»

L’ «Africanisation» du conflit avec le déploiement des forces de la Cédéao au travers de la Misma (Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine) a une importance capitale. Pour le président français:

c’est aux Africains de rétablir l’intégrité du Mali.

François Hollande a également martelé à maintes reprises que l’intervention est une réponse à la demande du président malien. Il a aussi insisté sur la nécessité de rester dans le cadre des Nations Unies et de ne pas l’outrepasser. «Je rappelle que la France dans cette opération ne poursuit aucun intérêt autre que la sauvegarde d’un pays ami

En première ligne, la France après avoir stoppé l’avancé islamiste à l’est (à l’ouest la petite ville de Diabali, à 400 km au nord de Bamako, est tombée cet après midi aux mains des djihadistes, ndlr) a fait prendre un nouveau tour à son opération. Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius déclarait que

«bloquer les terroristes c’est fait, ce qui a commencé à être fait,  c’est s’occuper des bases arrières des terroristes».

Des positions islamistes ont été détruites par des bombardements de Rafales dans le nord du pays. Des dépôts de munitions, d’armes et un camp d’entrainement ont été ciblés dans la ville de Gao (base arrière du Mujao – Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) ainsi que la ville de Léré (région de Tombouctou) où la base militaire aurait été complètement dévasté. La région de Kidal principalement contrôlé par le mouvement Ansar Dine n’a pas été épargnée par les frappes françaises. Ainsi, se sont de nombreux dépôts de munitions et de carburants qui ont été détruits.

Dans le même temps,  les populations locales se félicitaient de l’intervention. Le capitaine Amadou Sanogo (tout un symbole), président du comité de réforme de l’armée, un temps opposé à une intervention étrangère reconnait lui aussi «le rôle capital» de l’ex-puissance coloniale:

«Nous nous félicitons d’avoir l’assistance française à nos côtés aujourd’hui, qui a d’ailleurs bien joué un rôle, un rôle prépondérant, un rôle capital dans le soutien aérien» pour les opérations de l’armée malienne», développe-t-il sur l’ORTM, la télévision publique malienne. «Merci à tous nos partenaires qui sont à notre chevet aujourd’hui».

 

Kaourou Magassa

 

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